Donner du sens pour gagner en performance
Symbolisée par un Babyfoot pour les uns, par de grandes théories psychologiques pour les autres, la bienveillance en entreprise apparait comme une tendance forte de ces dernières années. Si on ne peut exclure le besoin de mutations profondes dans bon nombre de méthodes de management et les changements de mentalité indispensables pour apaiser les relations au travail, il existe un levier à la fois simple à énoncer et extrêmement efficace une fois actionné. Ce graal managérial réside dans la capacité à donner un sens à ce que nous faisons et à ce que nous demandons aux autres de faire.
La puissance du pourquoi
En 1977, Ellen Langer de l’université d’Harvard fait une expérience (The Copy Machine). Devant un photocopieur se trouve une file d’attente d’étudiants. Un « complice » d’Ellen Langer va alors prendre part à cette file d’attente et demander à passer devant de différentes manières et pour un volume de copies différents. Voici le résultat de cette expérience (% de personnes ayant accepté de laisser leur place) :
On constate ici que le fait d’accompagner sa demande d’une raison est un facteur clé pour obtenir un résultat. On constate également que plus la raison est « valable », plus le résultat est positif.
Brown-out ou individualisme
Rien n’est plus frustrant que de ne pas savoir pourquoi on exécute une tâche. Ces dernières années, l’augmentation du niveau d’instruction associé à la transformation numérique de nos entreprises ont créé des machines à dépression pour certains salariés. Le travail n’a pas été repensé en intégrant l’apport des nouvelles technologies et on se retrouve à embaucher des personnes de plus en plus qualifiées pour exercer des tâches de plus en plus vides de sens. Le brown-out est une conséquence directe de cet effet ciseau, dévastateur pour l’individu qui se sent vidé et inutile et contre-productif pour l’entreprise qui sous utilise ses forces vives.
Dans le meilleur des cas on obtient un duo salarié – entreprise synonyme de mal-être et croissance molle, dans le pire scenario ce diptyque devient maladie et situation de crise.
Chaque individu ayant besoin de sens, certains, par réflexe d’auto-défense sans doute, créent leur propre réponse. N’étant pas donnée par l’entreprise, celle-ci revêt mécaniquement un caractère individuel. En général l’entreprise devient alors, pour l’individu, le moyen de satisfaire le pourquoi de sa vie hors du travail. Dans ce contexte, le salarié ira travailler pour l’argent, pour la tranquillité, pour la satisfaction de l’ego, … Au sein de l’entreprise il n’y a plus de notion de collectif, la finalité étant en dehors de ce contexte, tous les moyens sont bons pour assouvir les besoins extérieurs de l’individu. La porte est alors grande ouverte aux tensions, harcèlement ou abus de pouvoir selon les positions hiérarchiques et les ambitions personnelles de chacun. Le remède à cette dérive se trouve dans la vision que doit proposer l’entreprise à ses collaborateurs.
La culture d’entreprise
Il est évident que l’idée de but et d’élan collectif ne date pas d’aujourd’hui. On connait depuis très longtemps la culture d’entreprise. Malheureusement cette culture ressemble parfois à une jachère oubliée. Pour symboliser ce fait on parle parfois du théorème du singe, une belle métaphore concernant la culture d’entreprise.
Ce théorème relate une supposée expérience rassemblant une vingtaine de singes dans une pièce. Au plafond se trouve un régime de bananes et au milieu de la pièce est placée une échelle pour y accéder. Dès qu’un singe commence l’ascension de l’échelle, un mécanisme déclenche une douche glacée sur toute la pièce. Rapidement les singes présents comprennent qu’il ne faut pas monter à l’échelle et cessent de le faire. Le système de douche est alors désactivé et on remplace un premier singe du panel par un nouveau. Ce dernier se dirige vers l’échelle pour y monter et immédiatement les autres lui sautent dessus violemment pour l’en empêcher. L’expérience se poursuit et au bout de quelques temps il n’y a plus que des singes qui n’ont jamais connu la douche froide dans la pièce. Malgré tout dès qu’un nouveau arrive et tente de monter à l’échelle il est violemment pris à parti par les autres pour l’en empêcher.
Dans cette culture d’entreprise romancée on se rend compte que la réponse au pourquoi est : « Parce qu’on a toujours fait comme ça ». Là il y a bien une réponse à la question pourquoi mais cette réponse est totalement vide de sens.
Un sens pour le collectif
Pour regagner en efficacité et protéger ses collaborateurs, l’entreprise se doit de travailler sur la Vision et d’indiquer à l’ensemble de ses forces vives le sens qu’elle souhaite donner à son existence. La portée du regard est primordiale tant dans la vie de tous les jours qu’au sein de l’entreprise. L’absence de direction, de but, conduit chacun à porter le regard au plus près et à focaliser son attention sur les petites difficultés du quotidien. Porter le regard loin c’est avancer et unir toutes les forces dans un objectif commun, les difficultés du quotidien sont alors traitées sereinement comme autant d’étape nécessaires pour avancer sur le chemin tracé par l’entreprise.
Tout ceci peut ressembler à un simple discours mais il s’agit en fait d’une réelle clé de succès. Bien souvent on considère que penser à l’avenir ce n’est pas travailler et que le « vrai » travail est de traiter les problèmes et d’avancer. Dans ce cas on oublie simplement de dire vers où on avance et le simple emploi du mot problème décuple l’impact de l’aléa rencontré.
Bien entendu il est plus simple de traiter un problème car on est dans la réaction et on donne l’impression d’être efficace mais la réelle efficacité et dans la mise en place d’un environnement qui ne voit plus les problèmes et ne fait qu’œuvrer dans un but clairement défini. En focalisant l’attention sur la direction que l’on veut prendre on apaise les tensions on augmente l’efficacité de chacun et on réduit durablement et de façon importante le stress. Oui le sens de l’action est la première pierre essentielle du bien-être au travail.